Claude NICOLET

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Claude NicoletJean-Marie Le Pen, dans un long entretien dans le magazine d'extrême droite "Rivarol", (édition à paraître du jeudi 09 avril) tient des propos explosifs, il s'en prend notamment à Jean-Pierre Chevènement. Il confirme ses propos dans "les Inrock" du 07 avril 2015.

Dans cette interview, le vieux chef réaffirme avec force ce qui constitue le fondement de l'extrême droite française en général et du Front National en particulier, l'attachement à Pétain, donc la collaboration et l'Algérie française. “Je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître (…) Je considère que l’on a été très sévère avec lui à la Libération (…) Je n’ai jamais considéré comme de mauvais Français ou des gens infréquentables ceux qui ont conservé de l’estime pour le Maréchal. Ils ont selon moi leur place au Front national comme l’ont les défenseurs de l’Algérie française, mais aussi les gaullistes, les anciens communistes et tous les patriotes qui ont la France au cœur”.

« Avoir la France au cœur »...dit-il. Pour moi la France ce n'était pas la LVF, ni les miliciens qui ont arrêté, torturé, massacré, déporté les résistants, qui étaient communistes, républicains, socialistes, de droite, francs-maçons, MOI, royalistes pour certains... qui eux se battaient et mourraient pour la France. Ils étaient la France.

Le Maréchal, bouclier contre l'occupation allemande et le régime nazi, c'est de cela dont il a parlé à Montoire avec Adolph Hitler? C'est pour protéger nos compatriotes juifs qu'il les a déchu de multiples professions, qu'il les a déchu de la nationalité, qu'il a mis en place un statut particulier, qu'il a crée un commissariat général aux questions juives, que plus de 74 000 d'entre-eux disparurent dans l'enfer des camps...Eux aussi, étaient la France. Cela ne valait-il pas d'être un peu "sévère avec le Maréchal?"

En fait, ni la République, ni la démocratie ne l'intéresse, au contraire même: “Ils commencent à me gonfler tous avec la République ! (…) Je comprends tout à fait qu’on mette en cause la démocratie, qu’on la combatte”. La matrice de l'extrême droite française, il le rappelle, reste la "race" dans sa dimension culturelle essentialiste et inégalitaire. Jean-Marie Le Pen pousse les feux, il contribue lui aussi à cet immense inversion des valeurs en voulant faire intégrer dans "l'arc républicain" que veut bâtir se fille, les pires ennemis de la République: "Moi je suis d’avis que dans la bataille qui va venir, qui va être une bataille de rupture car ça sera une campagne présidentielle, il faut avoir le maximum d’alliés et le minimum d’ennemis. Je m’efforce donc de désarmer certaines oppositions apparemment irréductibles. Je suis dans mon rôle de médiateur en quelque sorte, de sage, (...). Rivarol ce n’est pas grand monde, c’est un groupuscule. Leur audience représente quelques milliers de personnes. Mais dans une bataille nationale, ce sont des éléments qui jouent.  C’est une nuance de l’opinion française, il faut en tenir compte." En bon "Léniniste" Jean-Marie Le Pen veut des gages, des hommes à lui, déterminés, idéologiquement formatés et qui constitueront "l'avant garde éclairée" qui ménera le combat pour la prise de contrôle de l'appareil. "Quand on veut avoir la majorité dans un pays, il faut essayer d’avoir tout le monde avec soi.  Comme je pense que l’horizon est sombre, que les épreuves vont être dures et que les chances sont minces pour la France, il faut essayer de démonter les hostilités. Ca ne fera pas de Rivarol, l’axe principal de la campagne de Marine Le Pen. Je ne sais pas si l’entourage de Marine le comprend mais j’essaye de démonter les hostilités." La lutte sera rude, voire impitoyable et nous n'avons rien à en attendre.

Vieille tradition maurassienne de la souche et du temps qui fonde la légitimité de l'appartenance, "je n’ai rien contre les Italiens ni contre les Espagnols. Je n’ai rien non plus contre le fait que Valls ait les mêmes droits civiques que moi mais cela ne lui donne pas l’autorisation de me donner des conseils ou de me faire des remontrances sur le plan de la morale civique (…) Valls est Français depuis trente ans, moi je suis Français depuis mille ans. Quel est l’attachement réel de Valls à la France ? Cet immigré a-t-il changé du tout au tout ? Qu’a-t-il apporté à notre pays ?"

"Avoir la France au cœur" comme il le proclame, n'est donc en rien suffisant et n'est qu'une figure de style. La République dans le cas présent est une vraie ligne de fracture, sur ce qui définit la France et sur ce que signifie d'être français. Ce n’est plus un gouffre qui nous sépare, et c’est à nous, républicains, de reprendre notre bien. Le drapeau et sa signification, la République sociale, la laïcité, l’égalité, l’amour du pays, la fraternité entre les peuples.

Le "père" ne s'y trompe d'ailleurs nullement et désigne l'ennemi de l'extrême droite en le nommant: “Je crois que l’origine politique de certains actuels dirigeants du Front a plus d’importance que leur comportement personnel. Je pense à l’influence nocive d’un homme que je trouve pour ma part tout à fait détestable : Jean-Pierre Chevènement. Il a les apparences d’un patriote alors qu’il est au fond un marxiste. L’influence chevènementiste, si elle continue de s’exercer, est nuisible. Cette tournure d’esprit m’est totalement étrangère." Il est clair qu’il fait ici allusion à Monsieur Philippot trop souvent présenté comme chevènementiste, en déjà 25 ans de compagnonnage avec le « Che », je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer.

En réalité, c'est l'hommage du vice à la vertu. Mais, dans le même temps, il désigne clairement quel est le danger qui guette le Front national, c'est l'identité républicaine de la France. Ces vrais adversaires se sont les patriotes républicains qu'il tente de disqualifier en les désignant de "marxistes" (ce qui en me concerne, je ne considère ni comme une tare, ni comme une insulte), ce que les communistes (et tous les autres) morts en craint "vive la France" apprécieront à coup sûr. Jean-Marie Le Pen s'en était déjà pris à Jean-Pierre Chevènement, notamment dans les reportages de Serge Moati.

Marine Le Pen sait qu'elle ne peut conquérir le pouvoir sans faire faire au FN sa "transition républicaine." Jean-Marie Le Pen pense que cette voie aboutira à la disparition du Front national; en tous cas tel qu'il l'a conçu et tel qu'il s'enracine dans l'histoire de l'extrême droite française, c'est à dire d'abord contre révolutionnaire et antirépublicaine. Comme on ne peut renier ses gênes au risque de devenir un monstre, la stratégie filiale n'est finalement à ses yeux, qu'une usurpation et une trahison de l'histoire en général et de la sienne en particulier.

Le combat est ici irréductible et porte un coup terrible à la stratégie de sa fille, Marine Le Pen, qui a l'inverse, veut faire croire que l'extrême droite est "républicano-compatible." Jean-Marie Le Pen dit clairement que "non," ce n'est pas compatible et qu'elle perdra l'une sans gagner l'autre.

Par la même occasion, Jean-Marie Le Pen, indique le chemin pour s'opposer à la très résistible progression du Front national et retrouver la confiance des Français. Un projet ancré dans notre histoire, ses héritages, qui s'appuie sur la République et ce qu'elle signifie en termes de volonté d'égalité entre les citoyens, d'amour de la Patrie, de respect de tous, de transmission des valeurs issues des combats des différentes révolutions qui ont forgé notre société et notre modèle social. Cet immense héritage républicain est là, à porté de main. Il est le nôtre, il ne peut être laissé à ceux qui en furent les ennemis les plus acharnés. Encore faut-il en avoir la volonté et se réarticuler avec des concepts aussi important que l'égalité, la laïcité, la souveraineté nationale et populaire, le progrès social, l'émancipation des hommes, des femmes et des peuples...et tant d'autres encore qui ont fait se lever les Nations et croire en leur destin.

Claude NICOLET

Premier secrétaire du MRC Nord

Secrétaire national chargé de la Laïcité et de la Citoyenneté

Conseiller régional Nord Pas de Calais