Claude NICOLET

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On peut essayer de mettre la mer dans une bouteille, on peut essayer de mettre le carnaval dans un musée, on peut aussi penser qu'on peut mettre la vie en équation...ça ne marche pas. L'idée d'un centre d'interprétation (pour faire moderne) du carnaval, sans aucune concertation avec les associations carnavalesques, sans aucune concertation avec la Confrérie des Tambours-Majors du carnaval de Dunkerque est pour le moins étrange et sent la précipitation. A vouloir aller trop vite on prend très souvent de mauvaises décisions.

Tout d'abord, est-ce que le carnaval "s'interprète", comme une langue étrangère? Non! Carnaval se pratique, il se vit. Chaque année quand revient la saison, en même temps que nous sortons nos clet'ches, nous accueillons, nous recevons des amis, des amis de nos enfants, venant de partout et que nous initions joyeusement au carnaval, moments d'échanges et de partages ou nous devenons toutes et tous les ambassadeurs de Dunkerque dont nous parlons avec passion. Communion populaire et vivante dans laquelle nous plongeons avec délice. Carnaval est partout où se trouve un carnavaleux. C’est une identité vivante, mouvante, évolutive. Est-ce trop demander que de nous la laisser ? De la laisser aux carnavaleux et aux associations? Lui donner un caractère officiel, institutionnel, voire même la tentation de "l'organiser" va à l'encontre de son essence même. On peut ne pas aimer le carnaval, c’est du libre choix de chacun, mais l’enfermer dans un musée, c’est le condamner. Le carnaval ne s’apprend pas. Il se sait, il se sent, il se transmet. Il se chante, il se parle, il se dit.

Il est composé de nous tous, personne n'y est indispensable mais tous y sont nécessaires et en font son caractère changeant à nul autre pareil. Les associations carnavalesques le font vivre au quotidien, avec dévouement, je dirais presque avec dévotion, gardiennes d'une tradition qui ne cesse d'évoluer au fil du temps. Elles assument une charge de travail colossale, en direction de la jeunesse, elles vont dans les écoles, animent les bals enfantins, transmettent les valeurs dans les classes, font ce travail depuis des années avec la Confrérie des Tambours-Majors.

Carnaval doit vivre, il évolue parce qu'il est vivant. C'est à chaque dunkerquois de le vivre comme il l'entend, comme il le comprend, comme il l'aime. Carnaval, inversion des valeurs et de l'ordre établi dans un musée, quel contresens ! Éloge de la liberté et de la caricature, il n'a pas vocation à devenir un produit officiel de développement touristique et de marketing territorial tellement à la mode. Et puis soyons grossier, parlons argent. Combien va nous coûter la remise en état des Bains dunkerquois ? Qu'il faille offrir un avenir aux "Bains dunkerquois" est une évidence et je m'en félicite mais n'oublions pas que cette dépense sera intégralement prise en charge par la collectivité, c’est-à-dire le contribuable, alors qu’il existait un magnifique projet de spa, porté par un investisseur privé en 2014 qui aurait créé entre 30 et 50 emplois. Pourquoi abandonner cette piste qui rendrait ce magnifique bâtiment à sa vocation originelle?

Fondamentalement, carnaval c'est l'école buissonnière, un Beuschke. Carnaval ce sont les chemins de traverses. Carnaval c'est une "embuscade" permanente. Carnaval c'est un arc-en-ciel qui se déploie indéfiniment. Carnaval c'est tout sauf un musée dont une autorité (dont on ignore tout) nous en donnerait la définition. Les Dunkerquois, à l'occasion de la polémique honteuse qui a été faite aux Noirs autour de leur bal, ont montré à quel point ils étaient hostiles à toute tentative de récupération politicienne de notre carnaval. Ils ont entièrement raison. La tentation de se servir de cet événement qui nous a tous choqué, pour utiliser le carnaval à d'autres fins serait une très mauvaise idée dont je crains qu'elle ne serve à cacher une manœuvre purement politicienne. Et si on tient à tout prix à ouvrir un nouveau musée à Dunkerque, je suggère avec enthousiasme qu'on s'intéresse d'abord à notre ancien musée des Beaux-arts et ses incroyables collections, représentant plus de trois siècles de notre patrimoine aujourd'hui réparties dans toute la France.

PS : Les membres de l’Internationale laïque du Picon bière, ne souhaite pas prendre part au débat, ils se refusent à émettre le moindre commentaire sur le sujet, mais restent disponibles pour en débattre dans la joie, la bonne humeur et la rigolade aux heures de l’apéro autour d’un verre Les initiés comprendront sans qu'il soit nécessaire de centre d'interprétation.