Claude NICOLET

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Notre pays ne va pas bien, on peut même penser qu’il va mal. Les évènements de ces derniers jours montrent clairement que les tensions sont vives.

La multiplication des actes antisémites et des violences parfois mortelles qui les accompagnent, illustrent parfaitement cette situation. Les crispations identitaires correspondent à autant de reculs de la citoyenneté et de l’esprit civique.

Notre pays se fragmente, notre société se divise, la Nation se dissout et la République semble se déliter sous nos yeux. Il nous faut absolument refaire une Nation citoyenne.

L’ampleur de la crise semble telle, que nous ne savons plus par quel bout nous emparer de la situation. La tentation du repli sur soi et de l’affrontement de tous contre tous est désormais une perspective réaliste.

Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur dans son discours lors de la passation de pouvoir avec Édouard Philippe, Premier ministre l’a clairement dit : "Je crains que nous soyons bientôt face à face plutôt que côte à côte." Pressentant probablement ce qu’allait devenir l’affaire Benalla (ou ayant des informations lui permettant d’analyser plus finement la situation), il a préféré l’exil lyonnais plutôt que d’être solidaire d’un l’exécutif qui traverserait une crise majeure. L’État ne va pas sortir grandi de cette situation. Il en est donc affaibli.

Selon la commission d’enquête du Sénat, ce sont même les intérêts de la France qui ont été mis en danger, au regard notamment d’un certain nombre de contrats qui auraient été signés avec des hommes d’affaires russes et chinois.

Mélange d’affairisme, de gros bras, de conflits d’intérêts, de mélanges des genres…alors que de nombreux Français,  depuis des mois tentent d’exister à nouveau politiquement dans le débat public, certes de façon plus ou moins chaotique, plus ou moins réussie, mais peut-on leur en vouloir devant un tel spectacle ?

Notre pays, parce qu’il n’est pas n’importe quel pays, ne peut se survivre s’il a de lui-même un perpétuel sentiment d’humiliation. Je crois fondamentalement que c’est ce que voulait dire le général de Gaulle lorsqu’il disait que la France ne pouvait être la France sans la grandeur.

Il faut pour cela avoir une connaissance intime, voire charnelle du pays. Or de nos jour la grandeur a mauvaise presse, attaquée qu’elle est par toutes celles et ceux qui veulent abattre la Grande nation. Par haine, par intérêt, par vengeance, par faiblesse, par bêtise.

Il ne s’agit pas de dire que la France est par essence meilleure que d’autres, il convient de dire que la France et la République avec elle qui en est la forme moderne, ne saurait-être elle-même sans "quelque chose" qui la dépasse.

Si la France est une réalité physique, c’est aussi un imaginaire, une littérature, une esthétique, une tentative d’être au monde au-delà de ce que recouvre ses "frontières naturelle". C’est un état d’esprit, une forme de légèreté pour affronter la gravité du monde, une tentative permanente d’être autre chose que soi-même et qui me permet de reconnaître l’Autre comme mon égal.

Ce pays qui a fait de la citoyenneté la porte d’entrée dans la Nation et en a fait sa définition doit aujourd’hui se ressourcer. La France ne demande rien d’autre que de vouloir faire ensemble quelque chose de différent. Nous allons fabriquer ensemble des citoyens, c’est-à-dire un sujet politique à partir duquel les appartenances particulières seront subordonnées  à cette capacité que nous aurons de nous adresser à l’Humanité toute entière. Je mesure parfaitement l’ampleur du sujet, voire même sa dimension utopique. Mais nous ne sommes pas le pays de Montaigne, de Rabelais, de Rousseau, de Descartes, de Voltaire, de Montesquieu, d’Hugo, de Zola… ou du surréalisme pour rien.

C’est tout cela qui est aujourd’hui menacé. Il faut regarder avec lucidité la situation dans laquelle nous sommes. Fragmentation sociale, fragmentation culturelle, fragmentation économique, fragmentation identitaire, fragmentation territoriale…le constat est amer.

Cette crise vient de loin. Elle est particulièrement dangereuse pour notre pays qui n’est pas fabriqué sur le logiciel du droit du sang et de l’ethnie. Les tensions communautaires, les volontés indigénistes, les stratégies séparatistes, qu’elles soient sociales, territoriales, ethniques, économiques, sont particulièrement dangereuse pour la France. Car elles touchent à l’essence même de ce que nous sommes.

Ce sont des sujets qu’il ne faut jamais négliger. Il faut bien avoir présent à l’esprit, à quel point nos concitoyens ont une claire conscience de la situation de domination dans laquelle se situe notre pays au sein de l’Union européenne par rapport à l’Allemagne. Il faut bien avoir présent  à l’esprit à quel point nos concitoyens ont une claire conscience des ravages du travail détachés, des conséquences de la désindustrialisation, de la financiarisation de l’économie et de l’impact direct sur leur vie quotidienne ainsi que sur le contrat social qui fonde le pacte républicain.

Ils savent tout cela. Ils ne le supportent tout simplement plus ! Et le spectacle actuel les écœure et les humilie.

Ils ne veulent pas que la France doit la première puissance du monde. Ils s’en moquent. Ils veulent qu’elle soit fidèle à elle-même. Qu’elle soit fidèle à la République et à la promesse qu’elle contient. Qu’elle soit fidèle à celle qu’ils ont reçue en héritage et qu’ils veulent transmettre à leurs enfants. Ils veulent retrouver leur dignité d’être citoyen français.

Claude NICOLET
Ancien adjoint au Maire de Dunkerque
Ancien conseiller régional Nord-Pas-de-Calais
Président de République moderne Nord