Claude NICOLET

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On ne cesse de vouloir nous présenter l’éventuelle arrivée d’un gigantesque parc éolien au large de Dunkerque comme étant, sinon l’opportunité du siècle, du moins une chance historique à ne pas laisser passer.

Il faut bien de la volonté pour s’opposer à cette vue de l’esprit comme étant une évidence allant de soi.

La fameuse transition énergétique, les énergies renouvelables, l’électricité “verte” bonne pour la planète...et les retombées fiscales.

J’ai eu l’occasion dans une tribune précédente (Parc éolien offshore ? Environnement et souveraineté malmenés) de dire tout le bien que je pensais de ce projet qui participe en réalité du démantèlement d’EDF, de la déconstruction de l’indépendance énergétique de la France et donc d’une dépendance accrue en direction de puissances étrangères, en particulier celles qui fournissent les métaux rares.

Je souhaite aujourd’hui m’attarder sur les conséquences à long terme que ce projet, s’il voit le jour, risquent de faire prendre plus particulièrement à notre territoire.

Je sais pertinemment qu’il n’est jamais facile d’endosser le rôle de l’oiseau de mauvais augure, mais je sais aussi qu' il est parfois nécessaire de prendre son courage à deux mains et dire ce que l’on pense.

Prenons tout simplement une carte et regardons notre géographie.

Sur notre gauche, l’axe industrialo portuaire de toute la vallée de la Seine s’est structuré et les trois ports du Havre, de Rouen et de Paris viennent de fusionner pour donner naissance à une nouvelle entité, HAROPA.

A la tête de cette nouvelle infrastructure, vient d’être nommé un homme de grand talent, que nous connaissons bien, Mr Stéphane Raison qui était le directeur du Grand port maritime de Dunkerque.

Du bassin parisien jusqu’à l’embouchure de la Seine, du canal Seine-Nord au bassin du Rhin et de l’Escaut, alors que le Grand Paris se structure, il devient de fait un acteur portuaire et industriel majeur dans la compétition européenne et mondiale. Rappelons-nous sans cesse cette tentation de l’Etat de ne plus avoir que deux grands ports en France Marseille pour la Méditerranée et le Havre pour le rail Manche/Mer du Nord. Faut-il encore rappeler que dans ce domaine comme dans d’autre rien n’est simple Mais pourquoi madame Agnès Firmin-Le Bodo, députée du Havre veut la peau de Dunkerque?

Sur notre droite, un littoral Belge qui poursuit son développement, un terminal méthanier à Zeebrugge qui exploite celui de Dunkerque. Un armateur chinois de taille mondiale qui s’y est installé (COSCO) et en est le propriétaire mis à part le terminal ferry et qui devient un” hub” chinois pour les routes de la soie qui y transitent en direction du Royaume-Uni et des pays du Nord.

Au centre, nous. Avec un projet de parc éolien en mer de près de 50 km2, de 46 machines géantes de 300 mètres à l’efficacité discutable.

Ce projet va stratégiquement nous enfermer.

Il nous faut désormais avoir une véritable vision du développement de notre territoire. Une fois de plus, nous ne pouvons que nous désoler de l’affaiblissement considérable du poids et du rôle du PMCO (Pôle métropolitain de la Côte d’Opale) qui a été littéralement vidé de sa substance ces dernières années. Il faut penser Dunkerque/Calais/Boulogne-sur-Mer. Il faut penser Communauté urbaine de la Côte d’Opale. Il faut une vraie vision stratégique à long terme, démocratique et potée sur l’avenir.

La conséquence évidente sera un rétrécissement et un repli sur lui-même de notre territoire, coincé entre un axe Seine s’adossant à la région Ile-de-France (la plus peuplée, la plus puissante et le plus riche d’Europe) et un parc éolien à dix km de notre littoral. Est-ce si difficile à comprendre ?

La colère des Belges.

Il faut rajouter à cela la colère de nos voisins et amis Belges. La Panne, Ostende, Zeebrugge sont fous furieux et l’ont clairement fait savoir. Nos seulement les collectivités locales montent au créneau, mais le Gouvernement fédéral ne compte pas en rester-là et demande d’ores et déjà des explications à l’Etat français mais envisage également de porter l'affaire devant les institutions européennes, tout comme les Chinois de COSCO.

A-t-on vraiment besoin et intérêt de nous engager dans un bras de fer avec la Belgique ? Il faut prendre connaissance des déclarations de nos voisins pour mesurer leur colère et leur détermination.

“Au cours de ces derniers mois, notre conseil municipal a adopté différentes mesures pour participer en tant que partie prenante au débat public français.

Le bourgmestre Bram Degrieck s'est rendu en personne à Paris, avec des représentants de diverses parties prenantes belges, pour engager des consultations avec les autorités françaises et les opérateurs privés.
Malgré les différentes promesses faites par le groupe industriel français, aucun contact n'a encore été établi à ce jour avec notre administration municipale en vue de concertations ou de consultations bilatérales. Cela est profondément regrettable et démontre l'indifférence du groupe EDF/RTE, ainsi que celle des autorités françaises compétentes.

Par la présente notre administration municipale tient à exprimer sa préoccupation et son mécontentement particuliers concernant la construction prévue du parc éolien.

Le parc sera construit à dix kilomètres de la côte, avec une zone tampon particulièrement réduite à proximité de la frontière franco-belge. Les plans concernent 38/46 turbines de 12-16 MW dont la hauteur atteindra jusqu’à 300 m. A tort les promoteurs du projet minimisent l’impact sur l’expérience côtière et estiment que ce dommage collatéral est admissible et ne peut être quantifié économiquement.
Notre conseil municipal s’oppose formellement à l’emplacement prévu et adhérera à toute initiative visant à modifier l’emplacement du parc éolien.”

Que cherche-t-on ?

Il ne s’agit ici que de calculs à courte-vue, une vision étriquée et fondamentalement sans ambition et sans courage. Uniquement motivée par les rentrées fiscales dans les caisses d’une communauté urbaine de Dunkerque et de la ville qui parvient de plus en plus difficilement à boucler leurs fins de mois. Ce parc éolien n’est ni une chance pour la planète, ni une opportunité pour notre économie. Il faut avoir le courage de la dire et de le reconnaître, nous allons lâcher la proie pour l’ombre.

Enfin, comment refuser de prendre en compte cette contestation qui ne cesse de grandir de la part de nos concitoyens qui se sentent abandonnés par un grand nombre de leurs élus, dont ils constatent avec tristesse le silence assourdissant qui est le leur aujourd’hui alors que hier encore certains y étaient farouchement opposés. Ils sont près de 3000 à ce jour, à être signataires d’une pétition réclamant l’organisation d’un référendum. Tristesse qui va parfois jusqu’à un sentiment de trahison parce qu’ils savent bien au fond d’eux-mêmes, que c’est de l’avenir même de Dunkerque et de son littoral dont il est question aujourd’hui.

Il y a six ans, pour quelques centaines de mètres carrés, une "votation" a été organisée afin de savoir si nous souhaitions piétioniser la place Jean Bart. Aujourd'hui, ceux qui se faisaint hier les chantres de la démocratie participative n'entendent plus, n'écoutent plus. ne voient plus. Terrible constat mais hélas tellement prévisible.

Claude NICOLET
Conseiller municipal de Dunkerque
Conseiller communautaire, Communauté urbaine de Dunkerque