Claude NICOLET

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Le groupe chinois « Envision » vient de décider d’investir à Douai plutôt qu’à Dunkerque. Ce groupe qui est spécialisé dans les batteries pour voiture électrique, envisageait depuis quelques temps déjà de réaliser un investissement massif en France dans le cadre du déploiement de sa stratégie de développement à l’international.

Après avoir dans un premier temps pensé à s’installer à Rouen, des déclarations intempestives et malheureuses avaient annoncé qu’Envision s’installerait à Dunkerque avec la création de plus de 1000 emplois. Nous savons désormais qu’il n’en est rien. Certes nous pouvons le regretter mais il nous faut surtout comprendre les raisons de cet échec.

Au final, c’est Douai qui est retenue. Nous devons d’abord nous en féliciter. A la fois pour notre région mais également pour notre département car nous en avons bien besoin.

D'abord des logiques industrielles

« Gigafactory » construite sur 120 hectares avec un investissement global de 1 milliards d’euros d’investissement, l’implantation de cette énorme infrastructure va également venir conforter notre filière automobile qui pèse d’un poids considérable dans notre économie régionale et nationale.

Il faut évidemment penser cette implantation dans le cadre des stratégies industrielles qui se déploient à l’échelle mondiale. Renault, en difficulté notamment dans sa relation « compliquée » avec Nissan implanté à un jet de pierre à Valenciennes, fait le choix d’un partenariat stratégique avec un investisseur chinois pour être directement compétitif sur le marché européen qui est un des plus concurrentiels au monde.

Ce qu’il nous faut bien comprendre c’est que se sont des logiques industrielles qui sont à l’œuvre. La recherche d’alliances basées sur des intérêts partagés que permet le rassemblement de conditions précises. Dans le cas présent, Douai semble cocher toutes les cases. Tout d’abord un secret total a entouré les négociations même si depuis quelques temps voire plusieurs mois il était clair que Dunkerque n’était plus sur la liste finale mais que l’État et la Région pesaient de tout leur poids pour que le choix s’oriente vers le bassin minier, notamment après l’annonce de la fermeture de Bridgestone. De fait, Béthune n’est séparé que de 50 km de Douai qui n’est elle même qu’à une demi-heure de Lille et de l’aéroport de Lille-Lesquin, à proximité immédiate de la plateforme multimodale de Dourges, d’un réseau fluvial de qualité ainsi qu’au centre d’un réseau de communication essentiel (A1/A7/A16/A21/A26) et directement en lien avec Valenciennes.On mesure mieux aujourd'hui, l'erreur que représente l'abandon du projet "HORN" en 2014 porté par le groupe Eiffage sur le port de Dunkerque. Le montant annoncé de l’investissement public (121 millions d’euros), illustre d’ailleurs cette volonté politique de voir « Envision » s’implanter dans le secteur. Si ces données font classiquement partie de toute décision, il est à noter qu’elles restent déterminantes. Infrastructures, environnement « politiques », cohérences et opportunités industrielles, logiques économiques et sociales...Il est évident que la proposition de Renault représentait un attrait considérable pour « Envision» et dans ce domaine, c’est d’abord ça qui compte. Voilà ce qui a déterminé les décisions de Renault et de « Envision. »

L’éolien n’est pas un avantage comparatif

Quand vous faites un investissement d’un milliard d’euros, vous ne le faites pas à la légère. Dans le cas présent, Renault ne joue pas contre la France comme le prétend le président de la Communauté urbaine de Dunkerque mais Renault joue une partie mondiale tout en devant sortir d’une mauvaise passe alors que dans le même temps, nous devons conforter notre filière industrielle automobile dont certains spécialistes annoncent la disparition pure et simple en France.

L’argument du « parc éolien » au mieux en service en 2027 et probablement même jamais, non seulement ne tient pas la route bien longtemps mais illustre l’impasse dans laquelle s’enferme le littoral dunkerquois au nom d’une vision hors de la réalité, soutenue par une idéologie faisant fi des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Il ne suffit pas de faire de l’éolien un « argument de vente » encore faut-il qu’il corresponde à une réalité. Or l’industrie ne peut s’appuyer sur une énergie intermittente, qui plus est qui rencontre une opposition de plus en plus massive de la part des populations locales, à Dunkerque comme ailleurs.

Si « Envision » voulait s’installer à Dunkerque parce qu’il y a de l’énergie décarbonée, celle-ci lui parviendra de la centrale nucléaire de Gravelines, qu’il soit à Douai comme à Dunkerque. Voilà ou se situe notre compétitivité.

La transition énergétique est d’abord et avant tout une question démocratique.

Cette annonce, illustre cependant à quel point les analyses que je fais, les mises en garde que je ne cesse de lancer sur les illusions de l’éolien comme « avantage comparatif » sont fondées. Mais l’aveuglement du pouvoir local dunkerquois, refusant d’entendre, d’écouter celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui sentent bien que nous faisons fausse route, devient réellement inquiétant. La transition énergétique ne peut se faire sans une implication importante de nos concitoyens.

C’est également et surtout une question démocratique, voilà ce qui ressort notamment de l’échange que j’ai pu avoir le 04 mai dernier avec François Bayrou Haut-commissaire au Plan sur les questions énergétiques. Or la tendance actuelle de Mme Pompili comme du président de la CUD d’assimiler au RN ou à l'extrême droite celles et ceux qui s’interrogent, voire s’opposent (...) est vécu comme un abus (...) non seulement indigne mais produit exactement l'effet inverse. Fermer toute perspective, refuser d'entendre nos concitoyens qui veulent s'exprimer en réclamant notamment un référendum ne pourra aboutir qu'à une multiplication des tensions.

Cette alerte est déjà très inquiétante. Dans ce domaine il est impossible de se bercer d’illusion et de tenter de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Il faut de toute urgence repenser les conditions du développement économique, industriel et social de Dunkerque. Il faut aussi se poser la question démocratique que le système politique local refuse désormais d’aborder.

Claude Nicolet
Conseiller municipal de Dunkerque
Conseiller communauté urbaine de Dunkerque