Claude NICOLET

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Alors Jo Biden marche dans les pas de F. Roosevelt et impose son gigantesque programme d’infrastructure qui va muscler le territoire américain. Alors que le Président Macron, part à la conquête de Marseille et y investit des sommes considérables. Le candidat Xavier Bertrand rappelle au bon souvenir des électeurs des Hauts de France que le canal Seine-Nord qui semblait paresser entre la Belgique et Paris deviendra une réalité. L’inauguration heureuse du nouveau et grand port de Calais symbolise cette évidence : sur notre littoral aussi la qualité des infrastructures demeure plus que jamais un élément décisif de la compétitivité, de l’attractivité de la réussite économique de notre région et de notre pays.

Il nous faut aujourd'hui prendre en compte la situation dans laquelle nous sommes ainsi que la mesure des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Notre territoire est aujourd'hui, plus que jamais en première ligne des grandes crises mondiales et nous ne pouvons pas, nous ne devons pas l'ignorer.

 

-Crise migratoire tout d'abord, tragiquement d’actualité qui nous impose des charges, des obligations mais également des devoirs qui ne sont pas les nôtres et dont le règlement ne saurait être du ressort de nos collectivités locales. Mais devoir de fraternité auquel nos vieilles terres ouvrières et de travail répondent avec une patience et un esprit de solidarité depuis plus de vingt ans, qui force le respect. Les conséquences de crises mondiales qui de l'Afghanistan à la Syrie en passant par la corne de l'Afrique le Sahel et le Maghreb nous échappent se font ressentir chez-nous, dernière étape des routes de l'enfer avant le paradis britannique fantasmé pour des hommes, des femmes et des enfants impitoyablement broyés par l’histoire sur laquelle se greffe le crime organisé et son cortège de mafias.

 

-L’intuition de Pierre Mauroy était la bonne. Le tunnel sous la Manche façonnait en partie l’avenir du Nord-Pas-de-Calais, blessé cruellement par une interminable désindustrialisation. La jonction des tunneliers sous la mer coïncida avec la remontée de la dernière gaillette de charbon du bassin minier. Le prodigieux chantier (15 milliards d’euros), le formidable TGV (3 milliards d’euros), la rocade littorale nous permettaient de tutoyer définitivement l’une des autoroutes maritimes les plus fréquentées du monde. Et Jacques Attali de conclure dans son livre « une brève histoire d’avenir » que la seule chance d’établir un nouveau cœur de la mondialisation en Europe se trouvait le long de la ligne ferroviaire à grande vitesse Londres-Calais-Lille-Bruxelles-Paris.

Le temps s’est écoulé, la mondialisation s’est renforcée, implacable. L’Europe, première puissance commerciale de la planète, s’est largement ouverte, offerte, partiellement adaptée. La France, protégée et pénalisée à la fois par un euro fort, s’est massivement désindustrialisée, incapable sous la Vème République de définir une stratégie face à la mondialisation comme elle l’avait été sous la IVème, face à la décolonisation. Mais, miracle (?) Mario Draghi arrivé, renvoyait les monétaristes à leur rigueur en ré oxygénant nos vieilles nations.

 

-En première ligne également de la crise européenne avec le Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne est un changement politique majeur et même historique. En réalité, l'appartenance britannique à l'UE, au regard de l'histoire, n'aura été qu'une courte parenthèse dans la relation entre nos deux pays. C’est surtout c'est la réaffirmation de la vision séculaire que les Anglais ont de leur place vis à vis du continent européen. Les permanences historiques restent des réalités avec lesquelles il faut compter. En définissant lui-même le socle de la négociation qui doit encadrer « la mésentente cordiale » avec nos amis anglais. Le traité du Touquet qui accorde au Royaume Uni ce privilège exorbitant et unique d’avoir leur propre frontière sur le sol français (à Paris et à Calais) n’a plus aucun sens si les Anglais foulent au pied le traité du Brexit et les droits de nos pêcheurs. Pensons par ailleurs, un instant seulement à ce paradoxe déroutant qu’avec le traité du Touquet, nos forces de l’ordre sont sommées d’empêcher les migrants clandestins de quitter la France !

 

-La crise sanitaire ensuite. La pandémie a surgi et la France a repris, immédiatement le « quoi qu’il en coûte », évitant la crise économique et sociale. Le temps arrive peut-être où dans l’hexagone mal décentralisé les projets d’avenir, l’esquisse d’une planification, les investissements à long terme reprennent vie.

Privé, à tort, de leur dimension départementale, le littoral doit saisir la chance de parler fort, uni et de parler clair la langue du futur. Sur quelles bases ?

 

-En créant sous une forme ou sous une autre une collaboration réelle entre nos trois grands ports (Boulogne-sur-Mer capitale européenne du poisson, Calais port de transit de dimension mondiale, Dunkerque premier port industriel français). Ils sont complémentaires. Ensemble ils constituent le premier ensemble portuaire du pays. Si, par exemple, on assimile les camions à des containers, notre littoral joue dans la cour des grands (5 millions, deux fois Le Havre)

 

-En assurant le financement de nos ports. Comment ? En nous inspirant du port de New-York qui contrôle et encaisse les péages des ports et tunnels menant à la ville. Attribuons à un syndicat des trois ports la concession et les (modestes) péages poids-lourds de la rocade littorale. Cette décision, originale, constituera une première revanche sur la privatisation de la SANEF qui enrichit d’autres pays.

 

-En réactualisant les études et les propositions sur le canal Seine-Nord et sa jonction avec Dunkerque. Les polytechniciens ont refusé le relèvement des ponts à 7 mètres lors des précédents contrats de Plan. Funeste aveuglement ! Avec la réalisation du grand canal Seine-Nord, ce dossier mérite à nouveau la priorité.

 

-En condamnant, sans excès mais fermement, la faiblesse de la direction de la SNCF qui, sous la pression anglaise, a privé le littoral, la région de l’atout Eurostar, nous obligeant à regarder passer les trains. Honte à eux, détenteurs d’un grand service public. Il est vrai que jadis, Mr Rouvillois, patron de l’entreprise ferroviaire nous avait martelé sa vérité : « jamais, jamais, je vous le dis, le TGV ne pénétrera dans Lille, ne s’arrêtera à Lille. » Quel visionnaire ! Aujourd’hui la concurrence existe. Inventons-la.

 

Bientôt les Hauts de France seront l’une des très rares régions d’Europe à bénéficier d’un réseau d’infrastructures exceptionnel. Tunnel sous la Manche, Grande vitesse ferroviaire régionale, nationale, internationale, canal Seine-Nord, premier ensemble portuaire français, maillage autoroutier. Energie disponible. Nous avons tous les atouts pour que notre terre régionale porte en elle la puissance du rayonnement.

 

La Côte d'Opale doit désormais penser "global" sans oublier l'aéroport de Calais Marck qui lui aussi doit être intégré dans cette réflexion en tant que plateforme aéroportuaire. Les enjeux sont là, nous en sommes parfaitement conscients. Il nous faut désormais porter ce débat essentiel pour notre avenir et enfin assumer cette vision indispensable au développement de notre territoire et pour l'avenir de nos concitoyens. La Côte d'Opale a les moyens de cette ambition qui est désormais une nécessité.

 

Olivier BARBARIN
Wulfran DESPICHT
Claude NICOLET
Daniel PERCHERON
Anciens conseillers régionaux Nord Pas-de-Calais (2010-2015)