Claude NICOLET

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Dunkerque2Alors que "Dunkerque capitale régionale de la culture " monte en puissance, nous venons d'en avoir une magnifique démonstration ce week-end avec "l'Escale" (500 000 visiteurs sur quatre jours), que la ville poursuit sa transformation urbaine et spatiale, tous les chiffres et tous les indicateurs démontrent que le littoral dunkerquois traverse l'un des bouleversements les plus importants de son histoire. Il convient de le discerner et de l'analyser.

Ces transformations doivent être replacées dans un contexte général. Le littoral dunkerquois est l'un des endroits qui résistent le mieux à la crise économique et financière et la région Nord Pas de Calais est l'une de celle qui produit le plus de richesses et d'emplois.

Il faut également dire que la Région Nord Pas de Calais est l'une de celle qui connait le plus de déstruction d'emplois. Mais, immense paradoxe, notre région est considérée comme étant celle où il fait "bon vivre" et où les habitants sont les plus heureux de France!

C'est également vrai que c'est dans notre région où ces transformations sont les plus apparentes. Cela veut dire que c'est dans notre région et en particulier sur le littoral que s'effectue de manière la plus spectaculaire, l'adaptation à la nouvelle période qui s'ouvre.

Nous sommes au coeur de ces gigantesques transformations qui sont à l'oeuvre partout dans le monde. Elles sont le fruits d'une multitudes de facteurs. La révolution néo-libérale de la fin des années 70 est passée par là. Mais il y a également les nouvelles spécialisations territoriales qui ont accompagnés ce mouvement. C'était d'ailleurs en partie le pari de la construction européenne qui pensait pouvoir donner à chaque territoire une dominante économique et technique par le biais de l'intégration, chacun y aurait trouvé sa place. L'objectif est loin d'être atteint.

Ces logiques se sont concrétisées par l'organisation d'espaces urbains dit de "relégations". En France il s'agit d'un véritable défi à la République et à l'idée que nous nous faisons del'Egalité. Trois grandes réponses politiques y ont été apportées. La décentralisation, la création du ministère de la Ville et l'intercommunalité.

Des hommes comme Gaston Deferre, Michel Delebarre et Jean-Pierre Chevènement, sous l'égide de François Mitterrand et Lionel Jospin ont mené la contre offensive technique et politique. Nous étions bien (et nous le sommes toujours) sur le champ idéologique. Les résultats de cette bataille à Dunkerque nous pouvons le voir concrètement. Nous avons mille fois raison de repenser et de redéfinir des quartiers entiers comme le Jeu de Mail ou la basse ville, maintenant Dunkerque-centre ou d'en créer de nouveaux comme le Grand Large. Et nous savons qu'il reste encore beaucoup à faire.

L'intervention massives des collectivités locales (de la communauté urbaine de Dunkerque comme de la Ville de Dunkerque) sont des éléments déterminants pour rétablir le rapport de force avec le marché et la réorganisation du capital financier qui est intervenue ces dernières décennies. Ces investissements soutiennent par ailleurs directement l'emploi et notre économie locale. Il n'est d'ailleurs pas inutile de remarquer que l'extrême droite s'oppose toujours farouchement à ces politiques qui visent à rétablir de l'égalité territorriale, en particulier dans l'accès aux logements. Nous avons donc mille fois raison de réarticuler le tissu urbain avec son environnement et sa culture maritime qui façonne en partie notre identité collective.

Autres phénomènes, la révolution des transports et des nouvelles technologies. Autoroutes, lignes TGV et internet ont profondément modifiés notre paysage et l'organisation du travail. Les territoires sont désormais "connectés" entre-eux. Là encore les changements sont profonds et nécessitent de nouvelles approches. C'est l'une des raisons qui rendent de nos jours obligatoires l'action internationale des collectivités locales. Cela participe de nouvelles constructions politiques et démocratiques, qui, bien souvent tentent de bâtir de nouvelles perspectives de développements s'opposant à la globalisation financière.

Souvenons-nous également des discours, pas si anciens, sur les usines sans ouvriers, sur la "fin de l'industrie", sur l'économie des services qui nous sauverait de la crise. On voit ce qu'il en est.

Nous avons mille fois raison de maintenir coûte que coûte la vocation industrielle et portuaire de Dunkerque et nous voyons maintenant à quel point l'industrie est devenue une cause nationale. Pas de protection sociale sans une base productive puissante. La part de l’industrie (hors construction) dans la valeur ajoutée totale, en France, est passée de 18 %, en 2000, à un peu plus de 12,5 %, en 2011, nous situant désormais à la 15ème place parmi les 17 pays de la zone euro, bien loin de l’Italie (18,6 %), de la Suède (21,2 %)ou de l’Allemagne (26,2 %). L’emploi industriel (hors construction) s’est également continuellement dégradé : il est passé de plus de 26 % de l’emploi salarié total en 1980 (5,1 millions de salariés) à 12,6 %,en 2011 (3,1 millions de salariés), la France perdant ainsi plus de 2 millions d’emplois industriels en30 ans. L’accroissement de la concurrence étrangère, celle des pays européens comme celle de plus en plus présente des pays émergents, expliquerait entre un tiers et la moitié de ces destructions d’emplois sur la période récente (2000-2007).

Le littoral dunkerquois est donc ici directement sur la ligne de front de la guerre économique. La qualité du dialogue social et le soutien à nos entreprises, entrepreneurs et salariés est absolument indispensable.  . Nous avons mille fois raison de doter notre ville et notre agglomération de nouvelles et puissantes infrastructures économiques, sociales et culturelles.

Dans ces périodes troublées, propices aux interrogations voire aux démagogies, ces choix sont les bons. Ils symbolisent la volonté de Dunkerque et de ses habitants de se projeter dans l'avenir avec confiance et détermination, comme l'illustre l'association avec Saint-Pol-sur-Mer et Fort-Mardyck. Comme toujours, il convient de regarder les choses avec un minimum de hauteur de vue.

Nos atouts sont gigantesques: la première façade martime portuaire de France avec Calais et Boulogne-sur-Mer, un port parmi les plus compétitif d'Europe, une plateforme industrialo-énergétique la plus importante du continent, une main d'oeuvre qualifiée et de grande qualité, une population jeune, un tissu de PMI-PME remarquablement dynamique.

Certes nous connaissons les difficultés qui sont les nôtres liées au chômage, à la précarité aux délocalisations et sur ce terrain le combat continue. Mais la crise que nous traversons, n'est pas la crise de Dunkerque. Cette crise se manifeste chez nous comme ailleurs. Les analyses du MRC sur ce sujet sont connus et renvoient à d'autres enjeux, notamment européens. Mais aujourd'hui, notre ville se transforme pour faire face aux défis auxquels elle est confrontée et auxquelles elle devra faire face dans le siècle qui vient.

Le littoral dunkerquois n'est pas tout à fait comme les autres territoires. Il a été profondément marqué par l'histoire et a du se battre à de nombreuses reprises pour renaître de ses cendres. Nous en sommes imprégnés au plus profond de nous même et cela fait partie de notre identité. Nous ne renonçons pas. Alors comme hier, tous ensemble nous continuerons pour Dunkerque. Cette ville que nous aimons.