Claude NICOLET

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Port de BoulogneLe texte de mon intervention sur la délégation de service publique pour les ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer.

Il me semble que sur cette question, il est nécessaire de prendre le maximum de hauteur afin de mesurer l’ampleur des enjeux auxquels nous sommes confrontés et auxquels nous devons répondre.

Nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle pour considérer que la question de l’organisation de notre littoral revêt une importance capitale pour la Région Nord Pas de Calais. Je pense même pouvoir dire une importance stratégique.

L’aménagement de la Côte d’Opale est par définition l’un des grands projets structurants qui conditionne notre avenir, probablement pour plusieurs décennies. L’économie de la Mer et le monde maritime sont des acteurs déterminant de la nouvelle économie et participent de l’évolution rapide des rapports de forces et des enjeux économiques qui conditionnent en partie notre développement.

Je me permets une fois de plus de répéter quelques chiffres : Si nous raisonnons en terme de littoral l’ensemble Boulogne-sur-Mer, Calais, Dunkerque et si on y ajoute le tunnel sous la Manche et le port de Lille, nous sommes quasiment le premier ensemble industrialo-portuaire Français.

Investissements en cours sur Etaples : 28 millions d’euros, aujourd’hui 923 millions d’euros prévus sur les ports de Boulogne et de Calais dans le cadre de la restructuration portuaire (reconquête de la compétitivité boulonnaise et création de Calais Port 2015), investissements indispensables sur le port de Dunkerque avec le prolongement du quai de Flandre et le creusement des bassins Baltique et Pacifique pour lesquels l’Etat tarde à répondre (là encore des centaines de millions d’euros d’investissement qui devraient arriver). Mise en service dans un an du terminal méthanier sur Dunkerque, réorganisation de Nausicaa à Boulogne, grand carénage de la centrale nucléaire de Gravelines à partir de l’année prochaine (plusieurs milliards d’euros), peut-être même le Canal Seine-Nord finira t-il par ce faire…

Il faut continuer à dresser le tableau. La modernisation des infrastructures s’est poursuivie. Je n’en cite que deux : L’électrification des lignes de voies ferrées Boulogne/ Rang du Fliers et Dunkerque/Calais sans parler de la plus grande gare de triage de France à Grande-Synthe pour le fret.

La modernisation de notre réseau de TER et de TER/GV, unique en France et qui nous offre des avantages comparatifs uniques. De même les axes A16/A26/A25/A1, nous placent incontestablement dans une situation qui est plutôt enviable même si je n’ignore pas les difficultés liées aux prix des TGV Paris/Lille et à la problématique de Calais/ Frethun ainsi que l’asphyxie automobile de la métropole lilloise.

Si je me suis permis de faire ce rapide détour synthétique, c’est qu’il ne me parait pas possible de discuter des enjeux portuaires et maritimes, sans tenter de les replacer dans un contexte qui conditionne leur existence même.

Un très grand géographe, monsieur Yves Lacoste, considéré en France comme le fondateur de la géostratégie a résumé son travail d’une phrase qui a fait scandale à l’époque « la géographie ça sert d’abord à faire la guerre ». C’est aussi une question de représentation et de l’idée que nous nous faisons de nous même et de notre volonté d’être au monde.

Autrement dit, Monsieur le Président, ces enjeux ne sont pas uniquement ceux du littoral. Ils le sont bien sûr, ce ne sont pas seulement les enjeux de la Région même s’ils le sont, ils sont aussi et peut-être surtout des enjeux pour notre pays. Pour cette raison notamment la présence de l’Etat est à nos yeux indispensable. Nous sommes face à d’énormes projets d’aménagement du territoire, industriels, portuaires, d’infrastructure.

La Région Nord - Pas de Calais, propriétaire des ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer se doit d’en assurer le développement et la prospérité. Mais nous ne pouvons le faire seul. Il est nécessaire que tous soient au rendez-vous. Je pense aux collectivités locales, à l’Etat et à l’Europe. Si dans cette nouvelle négociation qui va s’ouvrir, il est légitime que nous fassions part de nos priorités, en particulier faire baisser les coûts ; les montants et les enjeux obligent l’Etat et l’Europe à prendre également leurs responsabilités.

La situation a changé, il nous faut revoir les termes de la Délégation de Service Public le montage financier et les partenariats. Il est donc légitime et sain que dans ces conditions, la Région Nord - Pas de Calais souhaite se donner un délai supplémentaire afin de réunir toutes les conditions du succès. Au regard de la situation qui a été décrite par Wulfran Despicht, Il est nécessaire de prendre du temps. Nous avons eu le débat lors du conseil portuaire de Boulogne, puis de Calais ainsi qu’à la commission Mer du Conseil régional. Il faut prendre le temps nécessaire, mais pas plus qu’il n’en faut.


Et puis il faut ramener de la sérénité dans un dossier qui doit être traité avec beaucoup de délicatesse. Des propos très durs ont été tenus ces dernières semaines, la presse s’en est largement fait l’écho. Nous connaissons les enjeux, nous savons à quel point les décisions que nous allons prendre conditionne l’avenir de milliers de familles et de toute notre région.

Aujourd’hui il nous faut relever d’immenses défis, relancer le port de Boulogne au prise avec des changements majeurs qui l’impacte depuis plus de 20 ans. Fin de l’industrie lourde avec la fermeture de la Comilog, disparition du trans-Manche, transformation profonde de l’économie de marché des produits de la Mer, impacts majeurs sur l’économie de la pêche…La Mer et ce qui en découle est devenu l’un des champs de bataille les plus durs des enjeux liés à la mondialisation et ce qui en découle. Boulogne fait donc face à la tourmente renforcée par les grands vents de la crise financière commencée en 2007.

La financiarisation des économies et la transformation en produits spéculatifs de l’ensemble de l’industrie agro-alimentaire a touché Boulogne de plein fouet. Les équilibres traditionnels, politiques, sociaux, économiques sont bouleversés et exigent une refonte de la stratégie de développement ce qui sous-entend de nouveaux investissements, mais surtout une nouvelle vision stratégiques de l’ensemble de nos territoires. La transformation des modes de gouvernance a également eu des conséquences, je pense notamment à la fusion des trois CCI dans la Chambre de commerce et d’industrie de la Côte d’Opale. Mais tout cela ne peut se faire qu’avec le concours de tous.

Calais nous le savons est dans une situation différente. Ce sera toujours le chemin le plus court pour le Royaume Unis et c’est à la transformation du marché de transports de passagers et du RoRo qu’il faut s’adapter. Il est en augmentation, les ferrys sont plus grands, Calais Port 2015 doit donc se faire car les évolutions en cours sont inéluctables. Calais est le 4ème port de France, il ne faut pas perdre de vue cette donnée. Nous avions insisté la dernière fois sur la dynamique ou le cercle vertueux que consistait à mettre en synergie les trois entités portuaires du littoral.

Nous devons rester persuadés de la justesse de cette analyse, car elle permet de tracer une véritable perspective de développement pour notre Région.

 

Claude NICOLET

Conseiller régional Nord Pas de Calais