Claude NICOLET

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La presse nous informe, même si les rumeurs allaient bon train, qu’un projet de police communautaire est en cours de « réflexion » à la communauté urbaine de Dunkerque.

Les questions de sécurité, de tranquillité publique doivent être abordée avec le sérieux et la rigueur indispensable qu’exigent ces sujets.

En effet, ce sont des problématiques sensibles et auxquelles nos concitoyens accordent, à juste titre, une grande importance. De trop nombreux faits divers viennent hélas nous en rappeler l’importance.

La sécurité est l’une des premières de nos libertés, elle conditionne le reste et sur ce point, nous ne faisons preuve d’aucune naïveté ni d’aucun angélisme. Nous sommes aux côtés des forces de l’ordre et de secours (police nationale et municipale, gendarmerie, sapeurs-pompiers) et il nous a été possible, à de nombreuses reprises de leur faire part de notre entière solidarité.

Nos concitoyens, dans un monde qu’ils perçoivent comme incertain, veulent que la puissance publique assure son rôle et au premier duquel la sécurité.

Sur ce point, nous voyons clairement apparaître depuis plusieurs années, la montée en puissance des « polices municipales » et incontestablement leurs missions se développant, elles sont amenées à occuper de fait sur le terrain, des missions qui jusqu’à présent étaient dévolues à la police nationale.

Il faut également souligner que la police nationale est assez mal lotie à Dunkerque. Il manque au moins 30 fonctionnaires de police au commissariat de Dunkerque et dans ces conditions la tentation est grande, de « remplacer » la nationale par la municipale, nécessité faisant loi.

Or cette impossibilité de l’Etat d’être à la hauteur des obligations qui sont les siennes, notamment en termes d’effectifs, semble inéluctablement nous conduire vers une « municipalisation » des questions de sécurité qui sont fondamentalement des questions régaliennes.

Mais il se pose d’autres questions

Juridiques, politiques et démocratiques.

Juridiques tout d’abord

Le pouvoir de police générale du maire ne peut en aucun cas être transféré au président d’un EPCI. Seuls les pouvoirs de police spéciale limitativement énumérés à l’article L. 5211-9-2 du CGCT peuvent faire l’objet d’un transfert. Or les pouvoirs de police spéciale concernent les ordures ménagères, l’assainissement, la voirie, le stationnement, la circulation, les taxis, l’habitat.

Cela dit, il peut y avoir transfert pour la police de l’organisation de la sécurité des manifestations culturelles et sportives (possibilité d’enjoindre à l’organisateur la mise en place d’un service d’ordre).

Mais également pour la police de la défense extérieure contre l’incendie (planification des points d’eau incendie) lorsque l’EPCI à fiscalité propre est compétent en matière de service public de défense extérieure contre l’incendie (alimentation en eau des moyens des services d’incendie et de secours).

Politiques ensuite

On mesure pleinement à quelle vitesse se fait la fameuse « mutualisation » des services entre la ville de Dunkerque et la CUD. A cette allure les maires ne vont plus tarder à devenir des « supers adjoints » de leur propre commune que leur restera-t-il si les questions de sécurité leur échappent totalement ? Nous sentons bien qu’une forma de « normalisation » est à l’œuvre surtout sur un sujet aussi sensible. Alors que le nouveau pacte de solidarité communautaire peut avoir comme conséquences que les taux d’impositions de la fiscalité locale soit décidés par la CUD, si en plus le maire ne bénéficie plus de la prérogative de police, de quoi sera-t-il responsable devant ses électeurs ? Les conflits sont nombreux à prévoir. Le fonctionnaire de police municipale devenant communautaire sera responsable devant qui ? De qui dépendra sa carrière ? A qui rendra-t-il des comptes ? Au maire de sa commune ? Au président de la CUD ? Aux deux ? Que faire en cas de divergence quant à la politique de sécurité à mener ? Voilà de lourds dysfonctionnements en perspective qui ne feront que porter atteinte à l’efficacité et au service rendu à la population. Au nom d’un principe simple, celui qui veut que la responsabilité ne se partage pas ! Surtout dans ce domaine. Il serait inconcevable de mettre en place une chaîne de commandement dont on perçoit d’ores et déjà toutes les difficultés.

Démocratiques pour finir

Les questions de sécurité doivent être très sévèrement encadrées afin d’avoir toutes les garanties démocratiques et républicaines. La police nationale est très encadrée, il existe également un code de déontologie pour la police municipale.

En dernier ressort, le ministre de l’intérieur est responsable devant le Parlement et peut-être « débarqué » du jour au lendemain pour des raisons politiques, notamment au regard de ses résultats. Le maire, ce n’est pas le cas. Certes il rend compte devant ses électeurs s’il se représente à leurs suffrages mais sans plus. Quant à un président de communauté urbaine…élu au suffrage indirect, au second degré, c’est un éloignement supplémentaire du souverain (l’électeur) sur un point essentiel qui est celui de la sécurité publique.

Confier de tels pouvoirs au président de la CUD ne nous semble ni raisonnable, ni souhaitable. Nous n’oublions pas qu’il a crée dans son mandat précédent « un comité d’éthique territorial » aux relents nauséabonds de délation et de surveillance, qui n'est toujours pas dissous à ce jour.

Quelques propositions

Il faut donc envisager autre chose, en particulier si certaines communes ont besoin de moyens supplémentaires. Il faut envisager un « plan sécurité » visant à doter les collectivités des moyens matériels indispensables pour faire face aux obligations qu’elles estiment indispensables.

Mettre en place un « Contrat intercommunal de sécurité » afin de mettre sur pied une action globale face aux phénomènes concernant la sécurité. Etat, Justice, Police nationale, gendarmerie, sapeurs-pompiers, police aux frontières, Education nationale, bailleurs sociaux, CCAS…

Voilà qui pourrait permettre d’avancer tout en respectant un certain nombre de principes essentiels, en étant efficace et pragmatique sans chercher à mettre sur pied une « organisation » pour le moins discutable.