Claude NICOLET

Le site de

KobanéMonsieur le Maire de Dunkerque,

Monsieur le Président de la Communauté urbaine de Dunkerque,

La cruauté du monde s'étale sous nos yeux et interpelle nos consciences de citoyens français et d'êtres humains. Les photos que la presse mondiale dévoile ces jours-ci sur la tragédie des "migrants" provoquent l'effroi face à une tragédie qui en réalité dure depuis des années. L'image d'un petit garçon de trois ans, mort noyé, échoué sur une plage, fuyant avec sa famille la Syrie et les combats de Kobané fera date. On peut certes regretter qu'une seule image réussisse à peser autant en jouant sur l'horreur qu'elle représente et sur l'émotion qu'elle déclenche, mais c'est aussi la réalité de notre temps.

Nous savons que le réglement des crises qui provoquent ces tragédies ne sera pas réalisé par les collectivités locales. Bien souvent elles doivent en gérer les conséquences avec les moyens qui sont les leurs. Je sais pertinemment que les responsabilités de certaines grandes puissances, dont la France, sont considérables dans ce funeste résultat. La destruction de l'Etat irakien, de la Libye, de l'Afghanistan, la guerre en Syrie, la non résolution du conflit israëlo-palestinien, la déstabilisation de l'Afrique sub-saharienne, provoquent cette fuite désespérée de millions d'hommes, de femmes et d'enfants.

Dunkerque, ville martyre, rasée en 1940, peuplée seulement de quelques centaines de ses enfants en mai 1945 lors de sa libération, a , dans sa chair et dans son histoire, traversé de tels drames. Les Dunkerquois furent disséminés partout en France, ballotés au grè des tragédies que connaissaient notre pays.

Monsieur le Maire, Monsieur le Président, je suis convaincu que vous n'êtes pas insensible à ces souffrances. Nous savons que nos moyens sont modestes, mais il me semble que nous nous honnorerions à tenter de prendre notre part du fardeau.

Vous avez un moyen à votre disposition. Tout d'abord la richesse de notre tissu associatif local. De nombreuses associations de solidarité internationale font sur notre territoire un travail remarquable et portent des projets de co-développement qui maintiennent sur place des populations qui trouvent chez elles les moyens de vivre et de travailler.

Pour ce faire, il faut maintenir le dispositif d'aide au développement qui existait jusqu'à aujourd'hui et permettait de soutenir les actions engagées et avait la vertu de déclencher d'autres co-financements. Supprimer ce dispositif serait une erreur.

Je n'ignore rien des commentaires parfois violents que déclenche l'aide au développement "il y a suffisamment de misère ici pour ne pas donner de l'argent ailleurs." Mais c'est une réflexion à courte vue et qui ne repose sur aucune réalité. Car la déstabilisation massive de régions entières à nos portes et liées à notre histoire, ne pourra qu'entrainer une amplification majeure des phénomènes migratoires. Phénomènes qui seront lourds de menaces sur les équilibres sociaux, économiques et culturels dans les pays d'accueil.

Partout en Europe, la solidarité s'organise, des villes prennent des initiatives. A notre échelle, nous devons donc prendre notre part. Au nom de l'humaine solidarité, mais aussi dans l'intérêt des personnes déplacées qui se "sauvent" parcequ'elles ne peuvent pas faire autrement, et pour nos intérêts et la stabilité de nos sociétés déjà durement touchées par la crise.

Monsieur le Maire de Dunkerque, Monsieur le Président de la Communauté urbaine de Dunkerque, maintenez les politiques de solidarité internationale et d'aide au développement qui disparaissent dans un silence assourdissant, alors que la fureur du monde se fait chaque jour plus bruyante.

Claude NICOLET

Conseiller régional Nord Pas de Calais